Violences sexuelles sur un terrain d’enquête

Nouvelles Questions féministes, vol. 39, n°2, 2020, p. 90-106

Dans les sciences sociales françaises, les violences sexuelles sur un terrain d’enquête sont, en dehors de certains domaines de spécialisation, un non-objet. Elles ne dérogent pas, en cela, au tabou qui touche les violences envers les femmes en général, malgré les statistiques qui attestent de l’ampleur du problème. Les manuels francophones utilisés pour l’enseignement de l’ethnographie ne traitent jamais des violences sexuelles. Il existe pourtant une littérature en anglais sur cette question. Cet article propose de confronter mon expérience avec les résultats des enquêtes existantes. Il montre que le traitement des violences sexuelles nécessite d’articuler une réflexion méthodologique, épistémologique et politique.

Sexualisierte Gewalt in der Feldforschung

Abgesehen von feministischen Studiengängen ist sexualisierte Gewalt in der Feldforschung nämlich in den französischen Sozialwissenschaften ein Nicht-Gegenstand. In dieser Hinsicht unterscheidet sie sich nicht von dem Tabu, das Gewalt gegen Frauen im Allgemeinen – trotz der Statistiken, die belegen, wie weitreichend dieses Problem ist. Die Handbücher, die in Frankreich am häufigsten in der Ethnografie-Lehre verwendet werden, befassen sich nicht mit sexualisierter Gewalt. Dabei gibt es auf Englisch schon lange Literatur über dieses Thema. In diesem Aufsatz möchte ich einen Überblick über diese Literatur geben und einen Beitrag zu den von ihr ausgelösten Debatten leisten, indem ich zeige, dass die Berücksichtigung von sexualisierter Gewalt, die plötzlich bei der Feldforschung auftreten kann, eine Verknüpfung von methodologischen, epistemologischen und politischen Überlegungen erforderlich macht.

Sexual violence on a research field

In the French social sciences, sexual violence on a research field, isn’t considered – outside certain areas of specialization – as an object of knowledge. They don’t depart from the general taboo on violence against women, despite the statistics that attest the extent of the problem. French Textbooks on methods in ethnography never deal with sexual violence. However English scholars published on this issue. In this article, I synthesize the results and contribute to the debates it raises on the basis of my own experience. I show that the problem of sexual violence in the field requires to combine a methodological, epistemological and political treatment.

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Deutsche Übersetzung als Working Paper des Instituts für Sozialforschung Frankfurt

NB – à propos du Faux Pas d’ Antoine Watteau (1717) :

Le tableau de Watteau utilisé pour accompagner cet article est une bonne illustration des critiques qu’Ariella Azoulay (The Civil Contract of Photography, 2008, chapitre 5 : Has Anyone Ever Seen A Photograph of a Rape ?) adresse aux images de viols : elles ne le représentent pas. Dans ce tableau, Watteau ne peint pas le viol mais un corps féminin abandonné. Qui est cette femme, où elle se trouve, où elle va, quel est son métier, comment elle est habillée, n’ont aucune importance. Du point de vue de l’homme qui est en train de l’agresser, la présence de cette femme sur son chemin ne peut signifier qu’une seule chose : elle est là pour lui.